Les jeux en ivoire de Dieppe

C’est au début du XVIIe siècle que se développe les premiers ateliers de travail de l’ivoire à Dieppe, qui était le plus important port de commerce avec les colonies africaines de la France. Les navires en provenance de l’Afrique apportaient une grande quantité d’Ivoire qui fut dans un premier temps utilisé pour réaliser des tablettes, des objets religieux, des objets de marine et des objets pour les femmes telles que les éventails ou les nécessaires de toilette et quelques rares jeux d’échecs. Au début du XVIIIe siècle, quand le jeu d’échecs est devenu à la mode, les ateliers des tabletterie de Dieppe ont commencé à produire des jeux d’échecs, pour beaucoup inspiré du royaume de France et des royaumes africains d’où provenait l’ivoire. Les productions de Dieppe étaient très limitées du fait de la simplicité des moyens de production et de la longueur de la formation nécessaire pour former un compagnon produisant des œuvres de bonne qualité. La production des jeux d’échecs se poursuivra jusqu’à la fin du XIXe siècle, jusqu’à ce que les matières synthétiques, tel que la bakélite mette fin à l’utilisation de l’ivoire.

Un point important de l’histoire de Dieppe fut la révocation de l’édit de Nantes par Louis XIV en 1685. On sait par les archives de l’époque que quelques 300 tabletiers protestants s’exilèrent en Allemagne, en Angleterre et aux Pays-Bas. Ces artisans ont importé et adapté au contexte local le style de Dieppe et ont ainsi donné naissance au style de Geislingen. On peut d’ailleurs trouver des jeux fabriqués à Dieppe qu’il utilise à la fois les deux styles.

En tant qu’objets de luxe les jeux en ivoire ne furent pas produits pendant la période de la révolution. Une des caractéristique des jeux d’échecs fabriqués par les tabletiers est qu’ils n’étaient jamais signé, ce qui rend difficile l’identification des artisans qui les ont fabriqués.Les jeux de Dieppe sont caractéristiques à plusieurs points:
Les pièces et les pions sont en ivoire
Les pièces sont de type « buste » montés sur un piètement tourné
Les tours sont en général cylindriques, au dessin de pierres apparentes et crénelées
Les cavaliers sont en général des bustes de chevaux montés par un cavalier, sauf vers la fin de la production des Dieppe.
Le roi porte une couronne et non une tiare comme dans les Geislingen.

               

Si des jeux ont été produits au 17ième siècle c’est dans de très faibles quantités et dans des styles qui ne les distingues pas de ceux du 18ième. Je pense que la production a réellement commencé sous Louis XV, avec l’engouement des la bourgeoisie et des intellectuels de l’époque pour les échecs.
Le style du 18ième siècle est particulièrement caractéristique par les fous qui seront d’abord pour les jeux du début du siècle des coiffes paysannes de style Louis XIV, puis des benêts couverts de chapeaux ronds que l’on trouve dans la première moitié du siècle. Ils seront suivis par des personnages coiffés de chapeaux d’ecclésiastiques du milieu du siècle. Vers la fin du siècle apparaitrons des personnages coiffés de chapeaux de style Directoire, que l’on trouvera jusqu’à l’empire. Enfin au 19ième siècle les évêques prendront, en majorité, la place des fous.
L’autre pièce qui permet de situer l’époque d’un jeu est le pion. Ils seront, en effet pour certains très tipés par rapport à leur époque. Dans les formes les plus anciennes les pions peuvent être non figuratifs. Ils seront ensuite coiffés de bonnet typiques de l’époque fin Louis XIV et début Louis XV. Suivront les différentes modes de perruques que l’on peut aisément dater grâce aux gravures de mode. Puis à l’époque du Directoire apparaitrons les bicornes. Avec l’Empire les pions deviendrons soldats au chapeau, là aussi facile à dater. Une des pièces seule ne permet pas de situer l’époque d’un jeu car les différentes caractéristiques peuvent parfois couvrir des périodes différents. Mais la combinaison des styles des différentes pièces donnent la plus part du temps un idée assez précise de l’année de production.